De longue date, voulant monter une comédie de Molière, les metteurs en scène ont projeté sur le plateau leur vision personnelle de ses décors. Mais à quoi ressemblaient-ils vraiment, ces décors, du temps du dramaturge, lors de leur toute première création ? Curieusement, peu d’ouvrages se sont intéressés aux contingences matérielles des théâtres de l’époque, et aucun n’a vraiment abordé l’ensemble de l’œuvre de Molière sous cet aspect. Pourtant, tenter d’avoir une vision réaliste de tous les décors créés de son vivant est une entreprise exaltante. On se replonge dans l’histoire du théâtre ancien, fait de chanvre, de châssis de bois et de toiles peintes, de machines qui coulissent, et de tout un monde qui s’affaire pour qu’un spectacle soit mis en œuvre, souvent dans l’urgence.
Molière a diversifié l’écriture de ses pièces ; il en va de même pour leur image scénique. Une partie non négligeable de ses comédies fut créée à la Cour. Les effets spéciaux sont époustouflants d’invention. Mais la plupart des pièces connues aujourd’hui par le grand public furent créées à la Ville, au théâtre du Palais-Royal, dont nous allons redécouvrir l’architecture grâce à des plans et des documents pour la plupart inédits. La scène se passe en extérieur, aux carrefours des rues, ou en appartement, dans la salle basse d’une maison bourgeoise, ou encore dans un salon sophistiqué. Parfois, le décor change plusieurs fois au cours du spectacle : le jeu se déroule alors dans des jardins magnifiés ou dans une grotte, dans un château enchanté ou dans un temple majestueux tout en colonnes de marbre feint.
L’ambition de cet ouvrage est d’aborder l’œuvre de Molière – si souvent commentée –, sous un angle nouveau, de faire redécouvrir quelques-unes de ses créations dont l’écriture ne pouvait se passer de mise en scène, de rester toujours au plus près d’une réalité historique, technique et matérielle, afin de faire voir toutes ses comédies en restituant le mouvement turbulent d’un spectacle vivant.
Introduction
Chapitre liminaire : L’imposture de l’image
Les frontispices du Tartuffe : images de l’imposture
Les sept décors d’une pièce en un acte de Brécourt, comédien de Molière
Les angles cachés du cercle : une célèbre illustration se dévoile
PREMIÈRE PARTIE : SCÉNOGRAPHIE, ARCHITECTURE ET DÉCORATIONS
Chapitre I : Scénographies
Traitement de l’image
Changements de décors
Scénographie et génie maritime
Éclairage
Contraintes scénographiques : 1. Les spectateurs sur scène. 2. Vers une scénographie régulière
Chapitre II : Théâtres et décorations
Les décorateurs de l’Hôtel de Bourgogne : 1. Les lumières de Mahelot. 2. Les couleurs de Mahelot
Le théâtre du Marais
Le Petit-Bourbon
Chapitre III : Le théâtre du Palais-Royal
La petite salle des ballets
La grande salle de la comédie
Les travaux de 1660 : 1. Parterre et amphithéâtre. 2. Sur les loges. 3. La scène
« La poutre » et l’arrière scène
La question du rangement des décors
Les travaux de 1671
Chapitre IV : Les décors de Molière
dans les registres de compte
Le Registre de La Grange
Le premier Registre de La Thorillière
Le second Registre de La Thorillière
Le Registre d’Hubert
Comptes de la Maison du roi
Le clan « Jean Crosnier »
DEUXIÈME PARTIE : LES COMÉDIES DE MOLIÈRE CRÉÉES À LA VILLE
Chapitre I : Le carrefour comique
La Jalousie du Barbouillé – Le Médecin volant – L’Étourdi ou les Contretemps – [Le] Dépit amoureux – Sganarelle ou le Cocu imaginaire – L’École des maris – L’École des femmes – Amphitryon : Un aigle ou un char pour Jupiter ? – Les Fourberies de Scapin
Chapitre II : Intérieurs
Les salles basses : Le Tartuffe ou l’Imposteur – L’Avare – Don Garcie de Navarre ou le Prince jaloux – Les Précieuses ridicules
Les chambres, ou « ruelles » : La Critique de L’École des femmes – L’Impromptu de Versailles – Le Misanthrope – Les Femmes savantes
Chapitre III : Changements de décors
Le Festin de pierre (Don Juan) – De l’Orfeo au Festin de pierre – Le Médecin malgré lui
TROISIÈME PARTIE : LES COMÉDIES DE MOLIÈRE CRÉÉES À LA COUR
Chapitre I : Comédies mêlées en jardins
Les Fâcheux : Une authentique maquette de décor pour Les Fâcheux ?
Les Plaisirs de l’île enchantée
La Princesse d’Élide et le palais d’Alcine : Troisième journée – Le palais d’Alcine au milieu du bassin d’Apollon
George Dandin et Le Grand Divertissement royal de Versailles
Chapitre II : Comédies mêlées en salle
Carrefours comiques : Le Mariage forcé – Monsieur de Pourceaugnac
Scènes d’intérieur : Le Bourgeois gentilhomme – La Comtesse d’Escarbagnas – Le Ballet des ballets
Chapitre III : Comédies mêlées avec changements de lieux
L’Amour médecin – Le Sicilien, ou L’Amour peintre – Les Amants magnifiques, ou le Divertissement royal : « Une mer véritable » – Psyché : Le coût d’une production. Le réemploi des décors – Le Malade imaginaire : La représentation du 18 juillet 1674
Conclusion
ANNEXES
I Autres auteurs français joués par la troupe de Molière à Paris : Tableaux comparatifs entre les œuvres de Molière et celles des autres auteurs – Résumés scénographiques
II Notes sur les canevas italiens
III. Devis, marchés et manuscrits : Marchés (1662) pour Le Ballet des arts (1663) – Devis de peinture du Festin de pierre – Travaux à effectuer en 1673 dans le Théâtre du Palais-Royal
IV.Frontispices : Premières éditions – Édition de 1682
Bibliographie – Index